28 février 2025

Durabilité, international, leadership : "tout est possible !"

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« Des femmes à la tête d’entreprises qui dépassent les 10 salariés et les 10 millions d'euros de chiffre d'affaires ? On les compte sur les doigts de la main, que ce soit à l'échelle locale, régionale ou nationale », déplore Mathilde Boulachin. Si la dirigeante de Chavin estime que l’aventure entrepreneuriale est faite pour les femmes, elle n’en reste pas moins consciente des freins qu’elles peuvent rencontrer, à commencer par leurs propres doutes sur leurs capacités ! « L’économie a énormément évolué, davantage que les femmes elles-mêmes qui ont tendance à se focaliser sur les facteurs limitants. » Quelques enseignements partagés par une femme résolument cheffe d’entreprise, heureuse et épanouie dans sa vie professionnelle comme dans sa vie personnelle.

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Vous dirigez une société qui est arrivée, en 15 ans, à se hisser au rang de référence mondiale du vin sans alcool. Est-ce qu’on peut dire que tout vous réussit ?

 

Mathilde Boulachin : [grand sourire] Il me reste beaucoup de choses à faire et à découvrir. Mais je suis convaincue que « tout est possible ». Y compris, comme je l’ai fait à même pas 30 ans, de créer une société avec 5 000 euros en poche dans le milieu ultra-masculin qu’est le négoce du vin. Et, avec ce recul, je mesure à quel point la situation socio-économique française a évolué. Elle s’est considérablement ouverte aux initiatives des femmes, au point de proposer aujourd’hui des conditions de création et d’accompagnement beaucoup plus favorables.

 

Qu’est-ce qui a changé selon vous ?

 

M.B. :  Les champs des possibles précisément, avec le sentiment que la différence homme – femme, parmi les chefs d’entreprise, s’estompe. Ni l’envie, ni l’enthousiasme, ni le savoir ou la gestion n’ont de genre ! Je dirai même que beaucoup de leviers nécessaires à la croissance d’une entreprise sont plus féminins que masculins. Je constate que les réseaux de leadership au féminin se sont multipliés, que les femmes sont plus présentes dans la sphère économique et que les banques leur offrent des accompagnements spécifiques. Pourquoi ? Parce que progressivement les domaines mis en avant par la RSE comme la parité, l’éthique, le respect de la différence, etc…, ont fait leur chemin dans le monde managérial, voire médiatique. Par ricochet, ils commencent à être recherchés par les établissements financiers et les acteurs économiques en général.

 

Grâce à l'évolution de cet environnement, on peut donc désormais repousser les limites ?

 

 M.B. : J’en suis convaincue. Une fois que l’on a l’idée, l’écosystème et un entourage qui vous soutient – ce qui est sans doute le plus difficile à trouver – tout devient possible. C’est-à-dire le développement international (en 2024, Chavin réalise 93 % de son chiffre d’affaires de 15,5 M€ à l’export), l’innovation, la croissance, bref il est possible d’aller très loin. Je ne suis pas une rêveuse, je parle de ce que je vis. Être actuellement présent dans 65 pays dilue les risques liés aux tensions géopolitiques que nous connaissons. Chavin n’est pas en situation de dépendance par rapport à un marché, une devise et un taux de change, un canal de distribution ou encore un mode de transport. Le vin sans alcool m’offre l’opportunité d’exporter « la France » à travers un produit innovant et dont le savoir-faire est reconnu. Mais attention : l’innovation n’est pas un choix, c’est une obligation. Devant des consommateurs avides de changement, le cycle de vie des produits, quels qu’ils soient, est de plus en plus court. Ce qu’on appelait les « vaches à lait », qui faisaient vivre une entreprise sans même y penser, n’existe plus.

 

Quels sont vos ressorts ?

 

M.B. : J’ai eu la chance de démarrer ma carrière en Suède, dans une entreprise suédoise. Là-bas, il y a 20 ans, la mentalité était plus avancée sur de nombreux sujets sociétaux et environnementaux que ce que nous connaissons aujourd’hui. J’y ai appris la vigilance vis-à-vis de notre planète, la valeur du travail, le respect de l’autre, l’équilibre vie pro et vie perso, sans même avoir à le théoriser ! C’était juste naturel. Et j’ai tout gardé depuis le premier jour de Chavin tout en continuant d’écouter le marché. L’innovation n’est pas seulement axée sur le produit, elle doit irriguer la communication, la distribution, etc… J’ai eu la chance de créer Chavin avec des convictions fortes mais aujourd’hui elles sont toutes devenues des devoirs : l’environnement, la dimension humaine, la transparence, etc.

 

Qui vous a aidé et vous aide encore dans cette croissance ?

 

 M.B. : Il est important de partir avec de bonnes conditions et d’organiser sa vie familiale de façon à ne pas subir seule une double charge, professionnelle et personnelle. Pour parvenir à cet équilibre, l’équipe qui m’entoure – 22 collaborateurs cette année – est essentielle. Les réseaux peuvent être importants, les partenaires du quotidien aussi. Et là, je pense à ma banque, en l’occurrence BNP Paribas. J’ai un échange permanent avec elle dès que je me pose une question sur l’entreprise. Elle m’apporte bien sûr des solutions financières, notamment pour le placement de ma trésorerie, mais surtout des expertises à la fois variées et complémentaires pour faciliter mon développement en France comme à l’international. Il y a toujours un expert pour m’apporter une réponse, débloquer une situation, ou encore me prévenir des risques ou opportunités de tel ou tel marché. C’est avec l’un d’entre eux que j’ai structuré une démarche EcoVadis, dont la certification est une valeur ajoutée et un atout concurrentiel indéniables sur tous les marchés. Je poursuis cette démarche en mettant en place un projet de mesure de notre empreinte carbone, suivi d’actions de réduction, avant d’engager une démarche de compensation. 

 

Que peut-on vous souhaiter de plus alors ?

 

M.B. : Tout [rire] ! Je ne dis pas que tout est à recommencer chaque jour, mais beaucoup de choses évoluent et un chef d’entreprise ne peut pas en faire abstraction. Je vous l’ai dit, les consommateurs changent, donc mes clients directs aussi, de la distribution sélective à la restauration. Regardez l’intelligence artificielle, elle va bousculer toutes nos méthodes de travail, accélérer des processus de Recherche et Développement (R&D), permettre de comprendre plus vite les changements de la demande… La réactivité est sans doute la principale caractéristique du chef d’entreprise et la crainte son principal ennemi. La crainte ne sert à rien, elle n’aide pas à avancer. En revanche anticiper, se préparer au pire permet de mieux réagir aux événements quand ils arrivent.

 

 

  • La maison Chavin est le spécialiste français de l’innovation dans l’univers du vin. 
  • Créée en 2010 et dirigée par Mathilde Boulachin, la maison Chavin est située dans le sud de la France et propose deux collections : des vins désalcoolisés de haute qualité et des vins avec alcool. 
  • Elle évolue aujourd'hui avec 22 collaborateurs et 15,5 M€ de CA. 
  • La maison Chavin fait partie des leaders du mouvement No & Low Alcohol, préservant l’héritage viticole français tout en réinventant l’expérience du vin.
  • Présente dans plus de 65 pays, la maison Chavin est devenue une référence sur les tables étoilées, qui répondent aux attentes de modération et de plaisir gustatif.

 

 

© Mathilde Bouchalin, photo Eléonore Groux