Start-up : réussir sa levée de fonds dans un contexte exigeant
Lever des fonds est une étape structurante pour de nombreuses start-up : financement d’un projet innovant, accélération du business model, ou encore entrée de partenaires stratégiques. Mais depuis la fin de l’euphorie post-2020, les règles du jeu ont changé. Si les tickets sont moins spectaculaires, le marché n’en reste pas moins dynamique. Convaincre un investisseur ne repose plus uniquement sur une vision inspirante ou un marché prometteur. Il faut désormais prouver sa capacité à exécuter, structurer et piloter. Alors, comment réussir sa levée dans un environnement qui change ? Éclairage avec Luc Aufrère, directeur commercial du Centre d’Affaires Innovation Île-de-France de BNP Paribas.
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Un environnement plus sélectif mais porteur
Avec 6,9 milliards d’euros levés en 2024 (contre 13 milliards en 2022), le volume global des levées a diminué, sous l’effet combiné de la hausse des taux d’intérêt, de l’inflation et d’un contexte géopolitique incertain. Pourtant, la France conserve un leadership européen, juste derrière le Royaume-Uni. Autrement dit, les opportunités existent toujours, mais elles se méritent.
Désormais, lever des fonds impose de répondre à des critères plus stricts. Ce n’est plus simplement une question de pitcher une vision, mais de prouver la viabilité du modèle économique, de maîtriser ses indicateurs clés et d’aligner la stratégie avec les attentes du marché.
Plus qu’avant, les investisseurs recherchent des indicateurs leurs fournissant la preuve de la qualité de la disruption présentée et du business model envisagé. Cette preuve, selon le stade de développement, peut s’incarner par la signature de POC ou de premiers contrats, l’atteinte d’une rentabilité sur un marché ou une solution, ou encore la définition d’une stratégie M&A faisant sens.
Préparation et Structuration du projet
Se structurer avant de lever, un passage obligé
Avant de lancer une levée de fonds et d’ouvrir son capital, une start-up doit :
- Clarifier son projet, sa proposition de valeur et son positionnement.
- Démontrer la solidité de son modèle économique.
- Sécuriser un premier socle de clients ou d’utilisateurs.
- Définir une trajectoire réaliste de développement.
Un diagnostic stratégique permet d’identifier les éventuels points de fragilité (gouvernance, propriété intellectuelle, dépendance à un partenaire, etc.) à corriger avant d’aller vers les investisseurs. Cette phase de structuration conditionne l’attractivité du projet.
Les investisseurs focalisent leur attention sur les dossiers portés par des équipes expérimentées et des modèles économiques prometteurs ou éprouvés. Ils sont sensibles à la présentation d’une entreprise structurée, ayant une stratégie claire et fournissant des premières preuves d’exécution.
Maîtriser sa valorisation et éviter la sur-dilution
La question de la valorisation est aujourd’hui plus délicate. Les start-up ayant levé à des valorisations élevées en 2021 peuvent rencontrer des difficultés si leur croissance ne suit pas. Mieux vaut viser une valorisation réaliste, adossée à des indicateurs tangibles, qu’une ambition trop élevée qui fragilise les négociations. Une approche raisonnée rassure les investisseurs et renforce la qualité du deal.
Dans certains cas, un financement "bridge" peut s'avérer pertinent : un tour intermédiaire pour sécuriser sa trésorerie, atteindre les jalons nécessaires avant une prochaine levée et éviter une dilution prématurée.
Discipline financière et transparence : les nouvelles règles du jeu
Les investisseurs attendent des start-up une gestion rigoureuse de leurs finances. Le suivi du cash burn, la mise en place d’un reporting précis, une gouvernance claire et l'intégration à l'écosystème sont des marqueurs essentiels de maturité.
L’intégration dans l’écosystème (incubateurs, partenariats avec des grands groupes, obtention de labels, subventions publiques) vient aussi conforter la solidité du projet. L’objectif est de bâtir une trajectoire lisible, cohérente et crédible.
Le pacte d’actionnaires : un outil de gouvernance, pas juste juridique
Lever des fonds, c’est aussi faire entrer de nouveaux associés. Le pacte d’actionnaires n’est pas seulement un document juridique : il structure la gouvernance et aligne les intérêts des parties prenantes à long terme. Il est essentiel d’y inclure des clauses de sortie, de protection contre la dilution, et de définir un comité stratégique pour éviter les conflits.
Penser son pacte d’actionnaire fait partie des incontournables d’une levée de fonds réussie, donnant par la définition des rôles et possibilités de chacun, une lisibilité dans les futurs rapports entre associés. Chez BNP Paribas, nous accompagnons les fondateurs dans les réflexions ou négociations à ce sujet en vue de protéger leurs intérêts.
Les différentes phases de levée de fonds
Amorçage : miser sur la vision, la cohérence, le MVP et le réseau
Les start-up en phase d’amorçage n’ont souvent que peu de chiffres à présenter. C’est donc la vision, la qualité de l’équipe et la compréhension du marché qui font la différence. Les investisseurs mettent l’accent sur :
- La pertinence du problème à résoudre.
- La cohérence de la solution (MVP fonctionnel).
- La compétence et la complémentarité de l’équipe.
- Une stratégie go-to-market claire.
C’est également à ce stade qu’il est crucial d’activer son réseau (incubateurs, concours, banques, dispositifs publics) pour gagner en crédibilité et faciliter l’accès aux premiers financements.
Le saviez-vous ? BNP Paribas est la banque privilégiée par les start-up en France et en Europe à travers le dispositif WAI by BNP Paribas.
Série A et au-delà : démontrer la capacité à scaler
Les levées en série A ou B s’appuient sur des indicateurs de performance solides :
- Traction commerciale mesurable.
- Revenus récurrents et marge validée.
- Coûts d’acquisition et LTV (Life Time Value) maîtrisés.
- Capacité à structurer et scaler l’organisation.
L’objectif est de rassurer sur la capacité à changer d’échelle, voire de s’ouvrir à des logiques de M&A ou de diversification sectorielle.
Les scale-ups entrent dans des logiques d’innovation sélectives, de diversifications de leur clientèle et solutions ou encore de consolidation de leur marché. Leurs besoins sont spécifiques et se rapprochent de ceux des grands groupes. Nos équipes Growth Capital & Solutions et Equity Capital Market chez BNP Paribas accompagnent les fondateurs/CEO dans l’atteinte de leurs objectifs.
Acteurs et outils du financement
Choisir les bons outils de financement
La palette est large : subventions, prêts d’honneur, business angels, venture capital, corporate venture, etc. Chaque type de financement correspond à un niveau de maturité et à un besoin spécifique : structuration, accélération, internationalisation. Bien les combiner selon la maturité du projet permet de structurer un plan de financement cohérent. Il peut être judicieux de passer par un financement bridge pour éviter une dilution trop précoce.
Le rôle des investisseurs dans le processus
Chaque étape de la levée de fonds implique des arbitrages stratégiques, notamment sur le type d’investissement recherché et le profil des investisseurs à cibler. Les investisseurs ne sont pas de simples bailleurs de fonds. Ils apportent un regard stratégique, un réseau, un soutien opérationnel et parfois un accompagnement à la structuration de la gouvernance. Leur degré d’implication varie selon les fonds. Il est donc essentiel d’aligner dès le départ les attentes réciproques pour éviter toute friction à moyen terme.
Au-delà de l’accompagnement bancaire classique, BNP Paribas peut aussi intervenir via BNP Paribas Développement, notre filiale d’investissement en equity. Nous accompagnons en qualité d’actionnaire minoritaire, les équipes dirigeantes dans la réalisation de leurs projets stratégiques .
BNP Paribas Développement : bénéficiez d'un investisseur de confiance
Bien choisir ses investisseurs est essentiel. Certains apportent bien plus que du capital : réseau, conseil, expertise sectorielle… Les fonds doivent être en adéquation avec la vision du projet pour assurer une relation de confiance durable.
Chaque fonds a ses thèses d’investissement, ses préférences sectorielles et son degré d’implication. Il est donc essentiel de cartographier les acteurs en amont, d’étudier leurs portefeuilles et d'analyser leur comportement lors des tours précédents. Il est souvent stratégique d’impliquer des investisseurs sectoriels, des fonds à impact ou des family offices qui partagent la vision et la temporalité du projet.
Choisir un investisseur c’est aussi évaluer sa capacité à apporter autre chose qu’une simple mise à disposition de moyens financiers. Ses qualités de conseils, sa connaissance du marché appréhendé ou encore sa future implication dans la création de valeur sont autant d’éléments à évaluer. Un bon investisseur, c’est quelqu’un qui partage votre vision, qui challenge sans freiner.
Processus et exécution
Le bon timing pour convaincre les investisseurs
Le timing est crucial dans une levée de fonds. Savoir quand lever, c’est prouver que l’investissement aura un effet de levier sur la trajectoire de l’entreprise. Une levée de fonds réussie dépend souvent de la clarté des objectifs et de la visibilité de la start-up à long terme. L’erreur serait de lever par contrainte ou dans la précipitation.
Le bon moment pour lever des fonds, c’est quand vous pouvez démontrer une trajectoire claire de croissance et dès lors donner l’assurance raisonnable aux investisseurs que leur participation au prochain tour s’appréciera sur un horizon de temps identifié.
Le pitch deck : le point d’entrée incontournable
Le pitch deck est l’outil central de la levée de fonds. Il doit synthétiser l’essence du projet et présenté de façon claire et factuelle : le marché, la problématique adressée, la solution proposée, le modèle économique, la traction actuelle, les besoins financiers et l’usage des fonds. Il est complété par :
- Un business plan dynamique.
- Une table de capitalisation.
- Les statuts à jour, le pacte d’associés.
- Les contrats clés, documents RH, reporting financier.
Tous ces documents doivent être accessibles via une data room sécurisée.
Le pitch deck, c’est la première impression. Il doit traduire à la fois la vision, la maîtrise des chiffres et la capacité de l’équipe à délivrer. C’est un équilibre entre clarté, ambition et rigueur.
Les meilleures stratégies pour attirer les investisseurs
Être présent dans les bons réseaux, participer à des événements ciblés, activer le bouche-à-oreille auprès d’entrepreneurs soutenus par les mêmes fonds, publier régulièrement sur son actualité : ces leviers renforcent la visibilité et la crédibilité. Soigner sa communication, son storytelling et démontrer une réelle cohérence entre vision, traction et exécution fait souvent la différence.
En synthèse, un environnement plus exigeant, mais porteur
Si le contexte est plus sélectif, il n’est pas figé. Des secteurs comme la deeptech, le climat ou la santé continuent d’attirer les capitaux. La French Tech conserve une image dynamique à l’international, et plusieurs fonds étrangers réinvestissent le marché français. Pour les projets bien structurés, portés par des équipes solides, les opportunités sont bien réelles. Choisir le bon partenaire financier fait toute la différence.
FAQ – Levée de fonds pour start-up : les questions clés
Quelles sont les étapes clés d’une levée de fonds ?
La levée de fonds suit plusieurs étapes :
- Définition des besoins.
- Structuration du projet.
- Elaboration du business plan.
- Valorisation de l’entreprise.
- Présentation aux investisseurs,
- Négociation des conditions.
- Finalisation juridique.
Quel type de fonds d’investissement cibler selon la maturité du projet ?
Les fonds d’amorçage accompagnent généralement les jeunes entreprises avec un fort potentiel d’innovation. Les fonds de capital développement interviennent à un stade plus avancé pour financer l’accélération du business ou une expansion internationale.
Pourquoi un business plan solide est-il indispensable ?
Le business plan permet aux investisseurs d’évaluer la viabilité du projet, la stratégie de croissance, le retour sur investissement attendu et les besoins en capital. Il sert aussi à structurer le discours de l’entrepreneur et à crédibiliser sa demande de fonds.
Quels documents préparer pour une levée de fonds ?
Pitch deck, table de capitalisation, budget, statuts, pacte d’associés, KPIs, contrats stratégiques, preuves de traction.
Comment pitcher efficacement ?
Tenir en 10 minutes, clarifier la problématique, prouver l’exécution, conclure sur une ambition réaliste.
Pourquoi bien choisir ses investisseurs ?
Leur implication, leur réseau et leur compréhension sectorielle sont des accélérateurs puissants.
Quelles sont les erreurs à éviter lors d’une levée de fonds
Sous-estimer la préparation, surestimer sa valorisation, mal calibrer le timing, viser les mauvais fonds ou encore négliger les aspects juridiques : autant d’erreurs fréquentes. Une levée bâclée peut ralentir la croissance, voire fragiliser la gouvernance. Le manque de transparence ou une mauvaise répartition des rôles dans l’équipe fondatrice peuvent aussi faire fuir les investisseurs.